Design du vivant

Mémoire de fin d’étude portant sur l’appropriation de la biologie synthétique par le design

Boites de Pétri
Contexte :

Projet de fin d’étude (DSAA)


Mon rôle :

Chercheuse en design, designer d’interactions, UX/UI designer


Question de recherche :

Pourquoi et comment le design peut-il s’approprier la biologie synthétique ?


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Sommaire

Résumé
Théorie
Pratique
CelloLab
CelloThèque
Lexique

Résumé

Il y a 5 ans, Craig Venter créait Synthia, la toute première cellule synthétique. Cette cellule a été vidée de son génome original, remplacé par un autre réalisé en laboratoire. Synthia a surtout survécu et s’est reproduite. Cette première expérience a prouvé que nous étions capable de programmer du vivant comme on code un programme informatique. En tant que designer, je me suis alors demandé quelles possibilités pouvaient offrir la biologie synthétique au design et comment celui-ci pourrait se l’approprier de manière créative allant jusqu'à la création d'un nouveau champ du design : le design du vivant. Au travers de ce projet de recherche, j’ai souhaité rendre plus facilement appropriable ce champ complexe qu’est la biologie synthétique en imaginant dans quel cadre et avec quels outils travailleront les designers du vivant. J’ai alors conçu un atelier où le designer est invité à simuler la création d’une cellule, à lui imaginer une application tout en réfléchissant à ses applications et ses implications selon plusieurs critères éthiques grâce à un outil relié à une application tablette, le celloLab. Ensuite, les cellules, les applications et les évaluations sont envoyées dans la cellothèque, une base de données consultable sur internet par tout le monde.
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Partie théorique

Pourquoi et comment le design peut-il s’approprier la biologie synthétique ?

1. Pourquoi la biologie synthétique ?

Parce qu'elle présente de nombreuses promesses et parce qu'elle pourrait beaucoup apporter au design et inversement.

Design du vivant
Design -> Biologie synthétique
La biologie comme sujet
- imaginer les applications et les implications
- améliorer la communication et la vulgarisation
Biologie synthétique -> Design
La biologie comme médium
- une nouvelle matière à expérimenter : le vivant
- de nouvelles technologies pour manipuler l'ADN

Limites de la biologie synthétique

Une accessibilité limitée
- un savoir très complexe non accessible à un néophyte en biologie
- matériel onéreux et fragile
- protocoles de sécurité importants pour pallier les risques sanitaires
Une accessibilité qui s'améliore
- création des biobricks*
- organisation du concours iGEM* (International Genetically Engineered Machine) permettant à des étudiants de gérer un véritable projet de biologie synthétique
- multiplication des biohackerspaces*
Des questions éthiques
- qu'en est-il du jugement et de la responsabilité scientifique ?
- est-il responsable de l'organisme qu'il créé ?
- peut-on poser un brevet sur du vivant ?
Un manque de législation
La loi :
- loi bioéthique de 1992
- rapport de l'assemblé nationnale du 15/02/2012
2. Quels rapports entre le design et la biologie synthétique ?
Méthode scientifique Méthode design
- observation d'un phénomène
- questionnement
- hypothèse
- recherche d'information
- expérimentation
- diffusion des résultats
- immesion/empathie
- frictions/insights
- idéation
- veille
- expérimentation
développement
Une étape en commun : l'expérimentation
Sinsère dans la méthode hypothético-déductive et repose sur l'expérience et l'observation contrôlée par des moyens techniques pour valider ou réfuter une hypothèse. Processus ouvert qui permet de soulever et révéler des idées qui aboutiront ou non à un bien ou un service mais aussi de créer de nouvelles formes.

Qu'est ce que l'appropriation de la biologie synthétique par le design ?
S'approprier : adapter quelque chose à un usage déterminé, rendre propre à soi

Pourquoi s'approprier la biologie synthétique ?
- pour que le designer puisse rendre la biologie propre à sa pratique il doit l'adapter à son usager
- l'appropriation peut se situer à toutes les étapes des méthodes

Méthodes d'appropriation
3. Comment faciliter l’appropriation de la biologie synthétique par le design ?

1. La vulgarisation
La biologie synthétique est un domaine complexe et difficilement accessible à des designers n'ayant aucunes connaissances dans ce domaine. La vulgarisation est alors la première étape pour faciliter l'appropriation d'un savoir. Il est donc important que le designer comprenne les notions et procédés de ce domaine. Cette compréhension n'a pas besoin d'être experte car les objectifs du designer ne sont pas scientifiques.

2. Les Biobricks
Les Biobricks sont des séquences d'ADN standardisées pouvant être utilisées pour concevoir des circuits synthétiques dans des organismes unicellulaires. Elles sont utilisées en biologie synthétique car elles sont faciles à assembler ou réassembler en utilisant des techniques simples. Les Biobricks sont en libre accès dans un registre.

3. La bio-informatique
Un autre moyen de faciliter l'appropriation de la biologie synthétique en contournant la contrainte dinancière et la sécurité serait d'utiliser l'informatique pour simuler des manipulations génétiques. C'est pourquoi la bio-informatique semble être une solution. De plus, on retrouve beaucoup de similitudes entre l'informatique et la biologie synthétique (évolution exponentielle, même vocabulaire, mêmes mouvements (hacking, open source))

4. L'environnement technique
La biologie synthétique reste un domaine encore peu accessible par la complexité du savoir théorique et pratique mais aussi par le cadre et les protocoles qui entourente l'expérimentation. La vulgarisation et la bio-informatique semblent être des solutions pour faciliter l'appropriation de la biologie synthétique. Une réponse regroupant ces deux solutions serait de mettre en place un environnement technique spécifique, propice à l'appropriation créative. L'environnement technique est un terme qui comprends les moyens par lesquels la biologie synthétique peut être représentée, appréhendée, travaillée et utilisée. Il inclut le savoir, les codes et langages pour nommer et rendre intelligible les phénomènes. Il inclut aussi les instruments et les outils.

Partie pratique

Dans ma partie théorique j'ai évoqué la création d’un nouveau champ du design : le design du vivant. Au travers de mon macro-projet j’ai cherché à le rendre plus concret en imaginant le cadre comment travaillerait et quels outils utiliserait le designer du vivant ou creative biologist.

Qu’est ce que le design du vivant ?

Le design du vivant est la conception puis la réalisation de systèmes biologiques afin d’apporter des solutions aux problématiques de tous les jours liées aux enjeux économiques, sociaux et environnementaux. Le design du vivant utilise un matériaux qui se travaille au niveau de l’ADN mais qui implique aussi de nouvelles contraintes.

La biologie synthétique présente quatre principales limites :
- Un savoir très complexe
- Matériel onéreux
- Protocoles de sécurités importants
- Éthique
Dans ma partie pratique, j'ai proposé la création d’un atelier de sensibilisation au design du vivant pour les designers qui contournerait ces limites. L’objectif est de donner aux designers les clés pour faire du design du vivant en sécurité. En effet, l’atelier permet de présenter toutes les possibilités de la biologie synthétique grâce à des exemples. Ensuite, en débattant autour de ces exemples, il permet de prendre conscience des enjeux importants, tant financiers, technologiques ou éthiques, qui entourent cette discipline. Pour permettre aux designers d’expérimenter en sécurité j’ai imaginé deux outils : le cellolab qui permet de créer et la cellothèque qui permet de les répertorier.

Objectifs de l’atelier de sensibilisation :

- Découvrir les possibilités
- Comprendre les enjeux

LE CELLOLAB

Le cellolab est un outil utilisé seulement dans le cadre d’ateliers de sensibilisation. Il se présente sous la forme d’un support à tubes à essai relié à une application.

Design du vivant Design du vivant
Cellolab, un laboratoire nomade (Modélisation 3D et maquette réalisées avec l'aide de Guillaume Victor Laplace et d'Alexandra Douine)

Le choix de créer un objet tangible est lié à la volonté de sacraliser le contenu. En effet, le numérique peut rendre les enjeux quelques peu abstrait tandis que l’objet fait prendre conscience au designer qu’il a la responsabilité de l’organisme vivant qu’il va créer. Le fonctionnement du CelloLab est basé sur le fonctionnement des biobricks expliqué précédemment. Pour créer une cellule grâce au CelloLab, le designer doit suivre 4 étapes :

Étape 1
Sur l’application, le designer choisit le type de cellule qu’il veut utiliser (cellule animale, cellule végétale, bactérie ou levure) puis il clique sur "suivant".

Étape 2
Afin de choisir le milieu et la ou les fonctions qu’il veut attribué à sa cellule, le designer dispose les tubes à essais correspondant sur le support puis appuis sur le bouton permettant la synchronisation. Les tubes à essai verts correspondent au milieu et les bleus correpsondent aux fonctions.

Design du vivant
Interface de l'application

Étape 3
Sur l’application, le designer propose un nom à son organisme ainsi qu’une application concrète et clique sur "suivant".

Étape 4
Sur l’application il note sa propre application sur trois critères : désirabilité, utilité et viabilité. Il n’a ensuite plus qu’à valider son organisme pour l’envoyer sur la cellothèque.

Design du vivant
Interface de l'application
LA CELLOTHÈQUE

La cellothèque est une base de donnée sur internet consultable par tout le monde cependant, seules les personnes ayant déjà participé à un atelier peuvent évaluer les applications des organismes existants. La cellothèque est une base de donnée contributive qui s’enrichit grâce aux participants des ateliers. Elle reprends l’esprit open source car aucuns brevet n’est déposé sur ces cellules et leurs applications.

Design du vivant
Interface de la Cellothèque
Objectifs de la Cellothèque :

- Consultable par tous
- Open source
- Prise en compte de l’éthique

La création de cet atelier permet de contourner les quatre principales contraintes vues précédemment. Tout d’abord, grâce à la vulgarisation et à l’utilisation des biobricks, le designer n’a pas besoin de connaitre tous les détails théoriques et pratiques de la biologie synthétique. Ensuite, en proposant une simulation de création d’organismes, le designer n’a pas à se soucier du matériel onéreux ainsi que des protocoles de sécurité. La simulation permet de créer des organismes vivant en sécurité. Et enfin, la pratique encadrée, les débats entre pairs et l’évaluation des différents applications permettent aux designer de comprendre tous les enjeux et d’avoir le recul nécéssaire pour ensuite continuer leur réflexion par eux-mêmes après l’atelier.

Missions du designer du vivant :

- Imaginer des cellules avec des fonctions répondant à des besoins
- Proposer une application
- Prendre du recul sur sa création et engendrer le débat sur la biologie synthétique

Lexique

Biobricks : Les Biobricks sont des séquences d’ADN standardisées pouvant être utilisées pour concevoir des circuits synthétiques dans des organismes unicellulaires. Les Biobricks peuvent comprendre divers composants tels que des promoteurs, des séquences codantes, des sites de liaison aux ribosomes, des inverseurs, des squelettes d’ADN plasmidique et des séquences terminatrices. Elles sont utilisées en biologie synthétique car elles sont standardisées et faciles à assembler ou réassembler en utilisant de simples techniques de biologie synthétique. Les Biobricks sont trouvées en libre accès sur le « Registry of Standard Biological Parts » développé par des chercheurs du MIT, Harvard et UCSF. Dans ce registre, on peut trouver des informations et des descriptions sur tous les différents composants, ainsi qu’un catalogue qui décrit les fonctions, rôles et assemblages de chaque composant. Chaque Biobrick est décrite par un unique code d’identification pour simplifier les recherches. La plupart des composants du registre sont envoyés par des étudiants participant à iGEM.

iGEM : L’iGEM est une compétition internationale de biologie synthétique organisée tous les ans par le MIT. Le principe est simple : les participants reçoivent un kit de biobricks* qu’ils doivent combiner avec des biobricks qu’ils ont eux-mêmes conçus en laboratoire pour les faire fonctionner dans des cellules vivantes. L’iGEM se décline en deux catégories : undergraduate pour les personnes de moins de 23 ans et overgraduate pour les plus de 23 ans. Ainsi, de très jeunes étudiants ont la possibilité de créer du vivant encadré par l’iGEM.

Biohackerspaces : Un biohackerspace est un lieu où des gens avec un intérêt commun - la biologie synthétique - peuvent se rencontrer et collaborer. Les biohackerspaces peuvent être vus comme des laboratoires communautaires ouverts où des gens (les hackers) peuvent partager ressources et savoir.Beaucoup de hackerspaces utilisent et participent à des projets autour du logiciels libres, du hardware libre, ou des médias alternatifs.